Acheter ou vendre une pharmacie, l’état des lieux du marché

Bien acheter ou vendre sa pharmacie, qu’il s’agisse du fonds ou des parts sociales, n’est plus aussi simple que par le passé. Le climat actuel des métiers de la santé peut sembler hostile pour bon nombre de pharmaciens titulaires ou en cours d’installation : baisse des prix des médicaments, nouvelle rémunération, réformes gouvernementales limitant le développement économique des officines, désertification médicale, etc.

Cependant, derrière cet état des lieux peu reluisant, se cachent un réel potentiel et de nombreuses opportunités pour celui, ou celle, qui souhaite acheter et vendre son officine de pharmacie. Certes, le métier de pharmacien connaît aujourd’hui une mutation, mais il est loin de disparaître. Après l’effondrement du nombre de transactions d’officines entre 2009 et 2015, le marché est à présent, après une reprise amorcée en 2016, de plus en plus actif.

Pour bien céder ou acheter une pharmacie, les acteurs (le titulaire et l’acheteur) doivent être en phase avec la réalité du marché de la transaction d’officines, et plus particulièrement des modes de valorisation des biens. Nous vous en proposons un tour d’horizon afin de vous permettre de bien en saisir les enjeux.

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Le marché de la transaction d’officines en pleine reprise

Le marché de la transaction d’officines, et notamment la vente ou l’achat de fonds ou de parts, a connu une forte baisse à partir de 2009, pour timidement reprendre en 2016. Il faut attendre 2018 pour une reprise effective avec 1580 transactions réalisées, soit 6 % de plus qu’en 2017.

Ce phénomène s’explique par deux raisons majeures : un taux élevé de départ à la retraite de la génération du baby-boom d’après-guerre, ainsi qu’une chute considérable du prix de vente moyen des officines en 2015. Celui-ci passe de 81 % du Chiffre d’Affaires Hors Taxes (CA HT) en moyenne à 76 %, ainsi qu’une baisse de 0,3 point du multiple d’EBE, Excédent Brut d’Exploitation, soit un prix de vente correspondant à 6,3 fois l’EBE contre 6,5.

Un climat d’incertitudes et de craintes révolu

Les dernières réformes de santé en matière de financement de la Sécurité sociale ont fortement impacté le métier de pharmacien, notamment avec la baisse des prix des médicaments, et par conséquent la rentabilité des officines (641 millions d’euros de baisse du prix des fabricants en 2018 représentant près de 4 % du marché des médicaments remboursables), ainsi que la nouvelle rémunération des professionnels.

Ce climat de craintes et d’incertitudes a engendré des effets d’immobilisme et d’attentisme de la part des acheteurs et des vendeurs, le tout sur un fond de baisse constante des prix de vente des officines.

Mais le secteur pharmaceutique prend aujourd’hui un tout autre tournant et un nouveau modèle économique se développe. Bien que l’installation est aujourd’hui plus difficile pour les jeunes, leur motivation reste intacte.

De nouvelles opportunités à saisir

La baisse des prix de vente des affaires, le taux d’emprunt historiquement bas, les départs à la retraite qui augmentent, la stabilité des prix et les nouveaux modes de financement pour une primo-installation relancent le marché de manière significative.

De nombreux départs à la retraite sont à venir

Le vieillissement de la profession s’est accentué ces dernières années, les départs en retraite sont de plus en plus nombreux depuis 2018. La vague du bapy-boom perdure, ainsi 30 % des pharmaciens auront atteint l’âge de la retraite d’ici quelques années, induisant la cession de leur officine au profit d’une primo-acquisition.

En effet, le marché des transactions d’officines est aujourd’hui majoritairement porté par le renouvellement de la profession, les ventes relatives à une réinstallation en cours de carrière sont marginales.

Une relative stabilité des prix de vente

Nous constatons une stabilité des prix de vente des officines en France sur les quatre dernières années, à hauteur de 76 % en moyenne du CA HT. Ceci explique en partie la reprise du marché depuis 2018, le  » juste prix  » semble être acquis. Cette stabilité est somme toute relative, car cette tendance est à considérer au regard des disparités du marché que tendent à gommer les moyennes nationales.

En effet, l’écart entre les officines d’après leur volume d’activité s’accentue de 24 points. Le prix des petites pharmacies (moins de 1,2 million d’euros) baisse aux dépens de celles affichant plus de 2 millions d’euros de CA.

De nouveaux modes de financement

Bien que le taux d’emprunt n’a jamais été aussi bas, les banques prêtent cependant moins facilement et demandent un apport personnel plus important, entre 20 et 35 % du coût du projet d’acquisition. De nouveaux modes de financement se sont alors développés afin de faciliter les cessions entre les vendeurs, désireux de partir à la retraite, et les jeunes souhaitant s’installer.

  • projet associatif entre pharmaciens (généralement entre le titulaire et l’acquéreur) visant un rachat de 100 % des parts à terme ;
  • soutien par un investisseur financier externe avec une prise de participation ;
  • regroupement de pharmacies permettant de consolider l’apport des emprunteurs par de nouveaux régimes attractifs, tels que la SEL, Société d’Exercice Libéral (une pharmacie sur deux exerce aujourd’hui en SEL), la SPFPL, Société de Participations Financières de Professions Libérales, notamment pour le rachat de parts de SEL, ou encore la holding.

La marché de la transaction d'officines-2

La valorisation des officines : la nécessité de trouver le juste prix

L’effondrement des prix de vente et du nombre de transactions qu’a connu le secteur pharmaceutique a eu des conséquences notables sur la valorisation des officines. Dans le contexte actuel, l’évaluation de la valeur économique des pharmacies doit être maîtrisée et se faire au cas par cas, certains critères pouvant l’influer, comme l’emplacement et son évolution (construction de logements neufs, rénovation du quartier, etc.), le potentiel d’agrandissement, le personnel expérimenté, etc.

Alors qu’autrefois l’implantation géographique de l’entreprise était un critère déterminant pour son acquisition, que la notion de  » coup de coeur  » avait sa place dans la décision, et que le potentiel en devenir de l’officine impactait la valorisation de son prix, aujourd’hui, les acheteurs raisonnent davantage sur les critères de rentabilité de l’affaire, de la cohérence du prix à celui du marché et de leur apport personnel.

La valorisation en pourcentage du chiffre d’affaires

Jusqu’à très récemment, les pharmacies se cédaient d’après un pourcentage de leur chiffre d’affaires hors taxes basé sur des statistiques annuelles et régionales émises par le cabinet INTERFIMO. Les pharmacies bénéficiant d’un CA HT élevé (officines de grande taille) se vendaient donc plus cher que les plus petites, générant un plus faible volume d’activité.

Aujourd’hui, la valorisation d’une officine en pourcentage de son CA n’est plus la méthode de référence, même si elle reste un sérieux argument de vente.

La valorisation par l’excédent brut d’exploitation

La valorisation par multiple de l’EBE constitue aujourd’hui une approche plus économique de la valeur d’une pharmacie, car l’EBE représente concrètement la rémunération finale et la capacité à rembourser de l’acquéreur.

L’EBE n’est cependant pas toujours révélateur de la rentabilité réelle en son état comptable et nécessite d’être retraité pour mieux refléter la capacité financière de l’entreprise. En effet, certaines charges (par exemple les frais de personnel), le mode de gestion en place, ou encore les frais inhérents directement aux titulaires, comme les charges sociales, peuvent avoir une incidence sur l’EBE comptable en minimisant la rentabilité réelle, et par conséquent la valorisation du prix de cession. Le prix moyen de vente d’une officine est de l’ordre de 5 à 7 fois son EBE retraité.

Même si l’évaluation par l’EBE demeure désormais l’approche privilégiée, en pratique, une moyenne entre EBE et CA HT est appliquée pour déterminer le prix de vente le plus juste.

De grandes disparités sur le marché de la transaction d’officines

A plus juste titre, nous devrions davantage parler de marchés, et non d’un marché unique du fait de son fractionnement, corroboré par l’observation des grandes disparités selon plusieurs critères :

  • l’effet de rareté : plus un bien est recherché et mieux il sera valorisé. Cet effet concerne les grosses officines de plus de 2 millions de CA HT, et plus particulièrement encore les pharmacies implantées dans les zones commerciales. La valorisation de cette typologie d’officines (environ 88 % du CA HT en 2018) est plus élevée que la moyenne nationale pour un CA HT similaire, environ 7 % de plus.
  • la localisation géographique des officines démontre une disparité des prix du marché entre les différentes régions de France. Les prix en fonction du CA HT affichés en Bretagne, en Normandie ou encore en Corse sont plus élevés (respectivement de 85 %, 84 % et 81 %) que sur l’ensemble du reste du territoire (68 % à Paris et sa couronne par exemple et 72 % pour le Centre-Val de Loire).
  • le mode de valorisation tend à inverser la donne dès lors que l’on croise les données. Par exemple, là où le prix de vente au pourcentage du CA place Paris dans les prix les plus bas du marché, le mode de valorisation sur le critère de rentabilité défini par le multiple de l’EBE inverse cette tendance. Avec un prix de cession de 6,8 fois l’EBE, Paris se place alors en haut du classement.
  • le volume d’activité, conséquence directe de la taille de l’officine, est un critère de valorisation déterminant. Les pharmacies au CA HT supérieur à 2 millions d’euros se vendent en moyenne à 83 % du CA HT alors que les pharmacies au CA inférieur à 1,2 million d’euros ont un prix de vente de l’ordre de 64 % de leur CA HT.

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